Le 10 septembre, la France s’est retrouvée paralysée par le mouvement « Bloquons Tout », une journée de blocages massifs et de manifestations qui ont secoué le pays bien au-delà des chiffres minimalistes relayés par l’appareil d’État. Le ministère de l’Intérieur a annoncé 197 000 participants mais quiconque a suivi les cortèges à Paris, Lyon, Marseille ou Lille sait que ces chiffres sont mensongers, une répétition mécanique de la vieille technique qui consiste à rabaisser l’ampleur populaire pour réduire la portée symbolique. Dans les gares, sur les grands axes, dans les zones industrielles, la présence de milliers de jeunes, de travailleurs, de précaires et de retraités rendait impossible l’idée d’un simple épiphénomène. L’impression dominante, en parcourant les images relayées sur les réseaux indépendants, est celle d’une marée humaine et déterminée, une réplique directe à l’arrogance macroniste. Le pays entier s’est mis à vibrer, et la police, fidèle à son rôle, a préféré compter les interpellations plutôt que reconnaître la vérité d’un peuple debout. Cette première vague d’analyse doit être prolongée car elle révèle une donnée fondamentale, celle d’une société qui refuse de se laisser réduire au silence et qui reprend la rue comme espace de dignité.
Le mensonge des chiffres et la fabrique de l’oubli
Les gouvernements français successifs ont toujours joué avec les chiffres des mobilisations. On les rabaisse, on les manipule, on les réduit à un pourcentage acceptable. Le 10 septembre n’a pas échappé à la règle. Mais à la différence des grèves de routine, la journée a pris l’allure d’une épreuve de force frontale. Partout, les témoignages convergent. Les cortèges étaient plus denses, les barrages plus nombreux, les slogans plus rageurs. En réalité, les autorités craignent que les chiffres réels, avoisinant probablement le demi-million, révèlent la fracture politique. Le mensonge des statistiques ne vise pas seulement à protéger Macron d’un effondrement symbolique, il vise aussi à construire un récit qui isole les manifestants dans une catégorie de minorité turbulente. C’est une stratégie d’effacement, une manière d’invisibiliser la colère populaire comme si elle n’existait pas. Pourtant, il suffit de tendre l’oreille aux places, aux lycées bloqués, aux axes routiers fermés pour mesurer l’évidence. La falsification devient ici un instrument d’ingénierie sociale, une fabrique de l’oubli collectif où les traces du soulèvement sont méthodiquement effacées pour que seule la version officielle subsiste.
La répression comme langage unique
La journée a été marquée par une répression systématique. Plus de 540 interpellations, dont 211 rien qu’à Paris, sont venues grossir les statistiques policières. Le ministère s’est empressé de mettre en avant 23 blessés du côté des forces de l’ordre, occultant totalement les coups, les fractures et les traumatismes infligés aux manifestants. Comme toujours, l’État impose sa narration, celle d’une armée de l’ordre assiégée par une minorité violente. Mais sur les vidéos circulant, on voit bien l’inverse, nasses, charges disproportionnées, matraques abattues sur des jeunes qui ne portaient qu’un drapeau ou une pancarte. La répression est devenue le langage unique du pouvoir, une grammaire brutale destinée à étouffer la légitimité de la rue. Le gouvernement joue avec le feu. Plus il nie, plus la rue s’embrase. La logique sécuritaire atteint une forme de paroxysme où l’ordre devient synonyme de brutalité et où la loi est instrumentalisée comme arme politique. Ceux qui s’obstinent à dénoncer ces dérives sont criminalisés à leur tour, et la boucle se referme dans un cercle vicieux où l’État ne dialogue plus qu’à travers la matraque.
L’incendie du restaurant et la manipulation policière
Au centre de Paris, près des Halles, un restaurant asiatique a pris feu. Rapidement, la machine médiatique s’est mise en branle, des manifestants radicaux en seraient responsables. Les images sont floues, les témoignages contradictoires, mais la police n’a pas attendu pour accuser. Pourtant, de nombreuses vidéos montrent l’usage intensif de grenades lacrymogènes et de dispositifs pyrotechniques par les CRS, au milieu d’une foule compacte. Dans un tel contexte, l’hypothèse que l’incendie soit parti d’une bavure policière n’a rien de farfelu. La justice a ouvert une enquête, mais les dégâts symboliques sont déjà là. Comme toujours, le pouvoir veut transformer la violence policière en propagande sécuritaire. On accuse la rue, on disculpe l’uniforme. C’est le même schéma qui se répète depuis les Gilets jaunes jusqu’aux manifestations actuelles. La vérité brûle dans les interstices, et seule une enquête indépendante, appuyée par les témoignages citoyens, pourra trancher. Il faut insister sur cette dimension, car l’incendie ne relève pas seulement d’un fait divers mais devient un révélateur des manipulations médiatiques qui transforment une bavure potentielle en outil de stigmatisation de tout un mouvement.
La rue contre l’État
La journée du 10 septembre a révélé un clivage brutal. D’un côté, un État qui ment, qui réprime, qui manipule; de l’autre, une société qui se soulève, consciente que le mensonge institutionnel est devenu systématique. Le pouvoir cherche à intimider, à criminaliser, à effacer. Mais chaque interpellation devient une preuve, chaque coup de matraque devient une mémoire, chaque incendie manipulé devient une cicatrice qui nourrit la colère. Les réseaux sociaux indépendants, les collectifs citoyens et les médias critiques jouent ici un rôle essentiel, documenter, relayer, dénoncer, résister au récit officiel. Sans ces canaux, la version policière triompherait sans partage. Le 10 septembre restera comme une date où la France a touché du doigt la puissance de sa rue et la faiblesse de ses institutions. C’est un avertissement. Tant que la voix populaire sera réduite au silence par la force, elle reviendra plus forte et plus massive. L’écart entre l’expérience vécue dans la rue et le récit diffusé par les chaînes d’information devient abyssal, et cet écart nourrit une crise de confiance irréversible qui finira par fracturer davantage encore le pacte social.
La mémoire populaire contre l’oubli organisé
La manipulation de l’information ne se contente pas de minimiser les chiffres. Elle construit une mémoire officielle où les victimes sont transformées en coupables. Mais la mémoire populaire, elle, s’inscrit ailleurs. Chaque journée de mobilisation est un fragment de cette mémoire en construction, un antidote à l’oubli organisé. Le 10 septembre entre déjà dans ce récit, une démonstration que le peuple peut bloquer un pays malgré la propagande et malgré la répression. La mémoire populaire ne s’efface pas, elle s’accumule et se transmet, elle transforme les chiffres mensongers en cicatrices vivantes, impossibles à nier.
« La mémoire est l’avenir du passé »
– Victor Hugo –
Cette phrase résonne ici avec force. Le combat n’est pas seulement pour le présent, il est aussi pour l’avenir, car une société qui se souvient de ses luttes devient une société capable de se dresser encore. C’est cette mémoire qui fait trembler l’État, car elle échappe à ses statistiques, à ses manipulations, à ses mensonges. Elle survit dans les récits oraux, dans les images partagées, dans les blessures que l’on refuse de taire, et c’est elle qui nourrira les prochaines mobilisations…
G.S.
Points de blocage et actions recensées ce jeudi 11 septembre
Paris et Île-de-France
- Blocage de l’entrée de Sciences Po Paris tôt le matin (6h30-8h), levé ensuite.
- Appels diffusés pour mobilisations dans d’autres universités et écoles, mais sans confirmation d’actions massives à ce stade.
Nantes
- Tentative de blocage place Rosa-Parks à l’aube, environ vingt personnes.
- Intervention rapide des forces de l’ordre, blocage levé.
Brest
- Mise en place d’un barrage filtrant ce matin, perturbations locales sur la circulation.
Isère / Grenoble
- Plusieurs points ciblés : IKEA Saint-Martin-d’Hères, pont de Catane, porte de France, boulevard Jean-Pain.
- Présence de manifestants à vélo pour ralentir la circulation.
- CRS intervenus au pont de Catane, blocage dispersé.
- Assemblée générale tenue à l’anneau de vitesse à Grenoble pour organiser la suite des actions.
Autres villes (signalements épars)
- Mobilisations signalées à Lille, Bordeaux, Rennes, Toulouse, mais sans confirmation de blocages massifs ce matin.
Méthode de vérification: Recoupement entre annonces officielles et observations de terrain, contradictions signalées par vidéos citoyennes diffusées sur les réseaux, enquête judiciaire en cours concernant l’incendie du restaurant, vigilance maintenue sur l’usage récurrent de statistiques biaisées par le ministère. Les incertitudes sont mentionnées comme telles.
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